“Si vous vous mettez en colère, ne péchez pas. Que le soleil ne se couche pas sur votre colère, et ne laissez aucune place au diable.”

Et dans un son de trompettes angéliques, un torrent de lumière s’abat sur cet immondice formé d’énergie occulte. La martyre finissait ses louanges en ayant les mains jointes, alors que les filaments du Fléau vaincu finissaient de s’éroder sous la pression divine. Elle sépara ses mains l’une de l’autre, et souffla doucement. Ce combat n’avait pas été l’un des plus durs, mais c’était toujours un risque qu’elle prenait à chaque fois qu’elle exerçait en tant qu'exorciste. En effet, rien n’assurait à Gabrielle qu’un autre esprit ne se cachait pas dans l’endroit pendant son combat, prêt à lui bondir dessus pour lui transpercer le cœur d’un geste facile et simple. Ou que le Fléau avait un minimum d’intellect pour avoir préparé un piège pour s’assurer une fuite possible. Ou qu'un civil viendrait par hasard et deviendrait un otage, un moyen de pression contre elle.

Ce Fléau avait pris possession d’un ancien temple localisé en forêt, et y répandait une atmosphère obscure, sale et luciférienne qui repoussait les pratiquants de venir s’y recueillir. Elle regardait autour de lui cet endroit enfin libéré de la sinistre présence, mais elle voyait les dégâts qu’une non-occupation humaine avait faite à ces lieux. La nature avait repris ses droits, les objets sacrés avaient été mis à terre, voire brisés, et la poussière avait conquis les murs et meubles du temple. C’était un temple bouddhiste, rempli d’histoires, de légendes et de souvenirs… Et une entité du mal était venu la ruiner. La martyre ne ressentait pas de haine envers l’entité, mais juste du dépit face à cette vision et de la pitié envers tous les gens qui portaient ce lieu dans leurs cœurs.

Soupirant, Gabrielle commença par soulever la lourde cloche en fonte. Elle était frêle, mais son corps venait d’avoir ses performances bonifiées par l’énergie occulte. Alors, prenant une corde non loin, elle l'attacha fermement là où elle devait être, pour pouvoir être sonnée par les croyants. Elle vient dépoussiérer tables, chaises, plafonds et vitres. Elle passa un coup de râteau pour enlever la verdure ayant poussée sur les galet formant les chemins, avant de se poser un instant contre un fier arbre, et profiter du soleil qui apportait sa chaleur sur le blanc laiteux de sa peau.

Quelques instants plus tard, elle entendit les pas d’un homme se rapprocher de lui. Elle ouvrit une paupière pour porter son regard sur cet homme qui le connaissait : c’était l’un de ceux qui l’accompagnait depuis quelques jours, depuis qu’elle était arrivée dans cette région. Gabrielle était habituée à avoir des croyants qui le suivaient quelques jours quand elle se baladait, c’était normal maintenant. La personne vient élever la voix avec une pointe de surprise et de doute envers la martyre.

“Mais… Pourquoi prendre soin de ce lieu de culte, qui n'est pas pour notre Seigneur ? Dieu n’est-il pas un Dieu jaloux ?”

A cela, Gabrielle vient offrir un sourire avenant, en hochant doucement la tête envers la personne qui venait de lui dire ça. Elle posa ses yeux fatigués, pochés de cernes, sur l’homme et lui répondit de sa voix douce comme le miel.

“L’on sait que Dieu nous demande ceci “Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement.” En effet.”

“Alors pourquoi ?”

Secouant doucement la tête, ce qui fit agiter ses mèches blanches de gauche à droite, elle revient ouvrir les yeux pour les planter dans ceux de son interlocuteur.

“Voiçi la suite. “Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même”. Comprends-tu ? Si un jour, la Maison de Dieu incarnée dans une église était saccagée, j’aimerais qu’on en prenne soin pour la remettre en bon état. En effet, je ne suis pas en adéquation avec la Foi pratiquée ici… Mais c’est par la Charité envers l’autre, qu’ils pourront peut-être un jour changer d’avis, et nous rejoindre. De plus… C’est à Dieu de juger, pas à nous.”

Et après avoir laissé l’homme en pleine réflexion, elle reprit soin d’enlever avec délicatesse la végétation luxuriante qui remontait sur les piliers en bois, avant de sourire en posant ses fines phalanges sur la structure en appréciant sa grandeur du regard.

“Et puis, ces endroits sont beaux, non ? Cela me désole quand je vois un tel lieu, important pour beaucoup, laissé à l’abandon.”

Convaincu ou non, l’homme laissa Gabrielle en ce lieu. Gabrielle savait qu’elle allait souvent être confrontée avec des gens ayant des doutes avec sa pensée sur ça. En effet, dans l’imaginaire commun, elle devrait détruire ce lieu si elle le pouvait… Mais elle n’était pas de cet avis. C’était sa Foi qui l’avait sauvé dans le passé, alors elle laisserait cette possibilité aux autres, même si ce n’est pas la même Foi qui les sauvera.

Calmant doucement sa respiration après tout cet effort, elle se concentra sur la sensation de l’écorce dans son dos, le soleil tapant sur sa peau, l’herbe lui chatouillant les jambes et la brise lui soufflant les cheveux. Elle se sentait unie avec le monde à ce moment-là, et aurait pu facilement s’endormir… Si seulement on pouvait le laisser tranquille un petit instant. Entendant une groupement de personnes avancer dans les gravillons du temple, elle soupira avant de à nouveau ouvrir ses yeux et poser son regard sur ces inconnus.

“La moindre des politesses… C’est de s’annoncer quand on franchit les portes d’un temple, messieurs et mesdames.”

Dit-elle avec une pointe d’humour en se relevant, constatant un groupe de trois devant elle. Des exorcistes, ressentait-elle, alors elle restait sur ses gardes. Un homme à l’apparence frêle et au regard fuyant, une femme à la carrure puissante et au regard dur, et une personne encapuchonée et au regard… Inexistant, car elle n’arrivait pas à le voir.

“P’rquoi êtes vous là ? Vous n’êtes pas de l’Orthodoxie, je ne r’connais pas votre visage. Z’êtes avec le Fléau d’ici, j'en suis sûre !”

Et sans prévenir, la femme vient foncer sur notre croyante pour lui asséner un coup de poing dévastateur au visage. Elle allait esquiver… Mais elle comprit immédiatement que si elle la laissait faire, elle détruirait le bel arbre sur lequel elle se reposait. Alors, elle croisa ses avants-bras devant son visage et encaissa le coup. Grimaçant de douleur, elle se fit projeter dos contre le chêne, ce qui lui coupa la respiration un instant, ce qui permit à son adversaire de la projeter sur le côté avec un puissant coup de pied latéral. Elle put dès lors, après s’être fait rouer de coup, entamer ses louanges envers son Seigneur… Et alors que la vilaine se projettait vers la martyre…

“Prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin.”

Et alors qu’un nouveau coup de point surgit devant elle… Une nouvelle fois, dans une mélodie angélique, un faisceau de lumière descendit de la Cité d’Argent sur le bras de l'ennemie. Cela priva son coup d’énergie occulte et la fit couiner de douleur, ce qui la fit reculer. La croyante sépara de nouveau ses mains, se mettant en posture de combat tout en venant dire ces prochains mots à ces agresseurs, les gardant fixement dans sa ligne de mire pour prévenir d’une prochaine attaque.

“Je ne suis pas une ennemie. Fouillez si vous voulez, vous ne trouverez plus aucune trace du Fléau. Je l’ai purifié.”

La personne encapuchonnée et la femme gardirent en joug le croyant, laissant le timide garçon fouiller. Et il put confirmer les dires de Gabrielle, qui passa ensuite par un interrogatoire afin de confirmer une dernière fois sa version des faits… Avant qu’ils repartairent, sans un mot d’excuse pour les contusions sur le corps du martyre. Elle vient passer une petite pommade sur ses futurs bleus, avant d’aller préparer son endroit où dormir comme si rien ne s’était passé. Un petit sac de couchage qu’elle avait posé sur un sol nettoyé juste avant… Et elle mangeait de la viande séchée en regardant le ciel étoilé.

“Une bonne journée de finie… Merci mon Seigneur.”