Un an auparavant.
vingt-cinq juin, 21:32, kashima (préfecture d'ibaraki)
MIYAKA KUMORI.......................................................................................21:30
Mamoru t'a envoyé en mission, hein ? T'es bien à Kashima ?Du coup tu rentreras pas ce soir.
Shiemi zyeuta prestemment son téléphone, sur lequel les messages textes de sa soeur aînée s'affichaient, avant d'habilement éviter le coup de nageoire du fléau poisson-chat qu'elle pourfendait. Du moins,
tentait de pourfendre ; pour un gros poisson, il bougeait drôlement vite
hors de l'eau. Logiquement, ça ne faisait
aucun sens ; mais il n'y avait rien de logique et cohérent dans le monde occulte, et
Shiemi KUMORI le savait mieux que quiconque. Le fléau plonge sur sa position, et elle jette son téléphone dans son soutien-gorge, se libérant ainsi les mains. Qu'est-ce que
Miyaka espérait en lui posant ces questions ? Elle savait pourtant très bien que
Shiemi ne répondait
jamais aux messages qu'elle lui envoyait.
Son regard ébène se promenait sur les ruines de ce qui fut autrefois le temple qui surplombait la ville de
Kashima ; autrefois, car ce
fichu poisson-chat de malheur s'était fait un vilain plaisir à détruire ce monument ancestral. Les sourcils doucement froncés, elle analysait la situation d'un calme olympien alors que la créature se retirait dans un coin de la cour principale, se préparant sûrement à un nouvel assaut dévastateur. Les corps ensanglantés et démembrés des exorcistes qui s'étaient risqués à la joute contre le fléau de
Kashima étaient éparpillés dans la zone ; rapidement, la
KUMORI comptait cinq bras, ce qui signifiait qu'il y avait un minimum de trois victimes. Même si la vue des corps ne la dérangeait pas le moins du monde - il y avait quelque chose de mystique dans la vue d'une vie trépassée - elle ne pouvait pas se permettre de rester là et admirer le carnage, d'autant plus que le fléau grondait non loin, annonçant une attaque imminente.
― ... Oh. Et le Bureau disait que tu étais un fléau de semi-grade deux ? Le fléau, peu affable, ne lui répond pas. Son regard globuleux est posé sur
Shiemi, qui le fixe avec la même intensité. Même si son air est neutre, presque passif, le reste de son être se prépare ; ses mains, machinalement, dégainent la scie circulaire que
Shiemi KUMORI s'acharnait à trainer partout ; ses muscles se tendent, prêts à fuser vers la créature. Elle est l'incarnation même de la
force tranquille, à cet instant précis ; et lorsqu'elle brise de nouveau le silence, un sourire presque enfantin se dessine sur ses lèvres.
― Bah alors, tu viens ? Finissons-en vite, j'ai des camarades à enterrer. ―――――
vingt-cinq juin, 22:11, kashima (préfecture d'ibaraki)
IWA DOUMA (ASSISTANT)................................................................21:57
Kumori, tout va bien ?Je t'envoie l'équipe de nettoyage. Combien de victimes ?SHIEMI KUMORI.......................................................................................22:11
Quatre.
Elle avait créé des linceuls de fortune avec des pans de tapisserie qu'elle avait arraché des murs détruits afin de recouvrir les corps inanimés des victimes du fléau. Ce dernier, décimé, n'était plus une menace ; elle l'avait presque oublié, captivée par sa tâche actuelle. Les sourcils doucement froncés, elle étudiait le faciès des exorcistes tombés au combat - tous tordus par la peur et la douleur, même dans la mort. Ils ne méritaient
pas de mourir, évidemment. Mais, visiblement, ils n'avaient pas le niveau. C'en était presque pathétique ; la société exorciste avait perdu quatre membres pour un fléau de ce niveau ? Il était loin, l'âge doré des héros de l'exorcisme.
Si elle allait bien ? Bien entendu ;
Shiemi KUMORI était suffisamment brillante pour affronter un fléau de ce calibre sans trop y risquer sa vie. Sa scie circulaire, tâchée du sang pourpre des fléaux, reposait dans son dos, attachée lâchement avec des lanières de cuir fatiguées. Quelques coupures superficielles parsemaient sa peau, mais elle n'y portait pas attention.